Coaching & Facilitation interculturelle
1X0A3603-Modifier.jpg

Blog

Tous les articles

Faire des différences et en souffrir

"Au fait, maintenant je m'appelle Vincent" m'a chuchoté un vieux copain du lycée recroisé bien plus tard à une conférence. Il avait décidé de remplacer Mourad par un prénom plus facile à porter dans l'agro-industrie lyonnaise.

J'accompagne deux entreprises qui souhaitent aller au-delà d'une vision statique et défensive de la "diversité" qui consiste à faire le minimum pour éviter d'être accusé de discrimination. Leurs dirigeants ont compris que le management inclusif est générateur de bien-être au travail, d'engagement, d'innovation et d'avantage concurrentiel. Ces interventions sur l'équité et l'inclusion m'ont touchée et ouvert plus grand les yeux sur la permanence de situations qui endommagent les personnes, les relations et les équipes.

Au même moment, ma fille s'est retrouvée en fauteuil roulant après un accident mineur. Pour la première fois, j'ai vécu avec elle la discrimination du handicap; nous pouvions ni prendre le métro ni simplement accéder à des toilettes dans un restaurant. La cantine scolaire l'a même exclue faute d'ascenseur ... avant que j'apprenne qu'il existe une loi obligeant les écoles à trouver des solutions inclusives et que je me batte pour la faire appliquer.

Je me suis souvenue d'un ami de mes parents qui, durant toute sa carrière, a du s'inventer des fiancées alors qu'il vivait avec un homme. A l'époque, un cadre supérieur d'un groupe du CAC 40 ne pouvait pas dire "je suis gay". Le pourrait-on aujourd'hui?

Ca me rappelle le malaise que j'éprouve lorsque j'anime une session de formation face à une audience 100% masculine. Cette absence de diversité m'oppresse toujours. Qu'il est pénible d'être différent quand on est ultra minoritaire!

Le besoin d’assimilation pousse parfois au déni de son identité. Quand le contexte est peu inclusif, il est souvent moins coûteux pour l'individu de porter un masque ou bien d'adopter une posture caricaturale plutôt que d’imposer sa singularité. Il répond, dans son comportement, à ce que le stéréotype attend de lui, quitte à participer à le renforcer.

Quelle perte pour l'entreprise! Alors qu'il est prouvé que les équipes les plus diverses et inclusives sont aussi les plus engagées et les plus productives.

Une entreprise inclusive accueille et valorise les différences sans les essentialiser. Se sentir reconnu(e) et accepté(e) comme on est, sans être ni constamment renvoyé à sa "différence", ni obligé de la cacher donne envie d'aller au travail,  nourrit la confiance et l'engagement. 

Une équipe vraiment diverse représente mieux la population, l'entreprise et les clients. Elle s'émancipe des conformismes (de genre, de génération, de métier, d'apparence physique, de culture, ...) pour envisager davantage de scénarios et prendre des décisions plus viables. Sa diversité et sa capacité d'inclusion de la diversité est un reflet de son potentiel d'accueil d'idées inédites et d'hypothèses disruptives.

 Ce processus de transformation vers l'entreprise inclusive peut être assez rapide à condition que la direction soit engagée à 100% dans la dynamique de changement et qu'elle donne l'exemple. 

Souvent, certains process sont à revoir (notamment en recrutement) mais l'essentiel des comportements non-inclusifs se cachent dans les pratiques et les moments informels (blagues, rituels, mises à l'écart, rétention d'information, ...). C'est pourquoi il y a un travail de fond à opérer sur les croyances limitantes et les biais implicites dans chaque entreprise, chaque métier, chaque équipe. 

Au début des sessions de sensibilisation à l'inclusion que j'anime, les participants se demandent souvent ce qu'ils font là. Ils affirment en général : "Moi je suis tolérant(e), je ne fais pas de différences". Qui oserait dire le contraire?

Au fur et à mesure des ateliers, ils prennent conscience, chacun à son rythme, de leurs valeurs et de la façon dont elles impactent leurs perceptions. Personne ne peut s'empêcher de juger, mais chacun peut prendre conscience de ses propres filtres culturels, sociaux, de genre...

Se regarder juger et s'apercevoir qu'il est possible de voir, faire et dire les choses autrement rend les personnes encore plus responsables de leurs comportements et de la qualité des relations qu'elles construisent. Cette compétence-là est un puissant moyen de créer des équipes inclusives. Bien plus que de faire la morale aux gens. 

Beaucoup s'engagent à être plus vigilants par rapport à leurs propres jugements et à faire vivre les valeurs d'équité et de diversité dans leur équipe.

Enfin, ils apprécient la démarche par laquelle l'entreprise leur prouve sa considération, son engagement et les rend acteurs de cette transformation culturelle.

 

Chloé Ascencio