Des rôles et des règles flous
Les entreprises privées chinoises se caractérisent par une quasi-absence de procédures écrites et de process standardisés. « En terme de structuration des activités, on observe une faible spécialisation des tâches avec pratiquement aucune description de poste ni de process. […]. Il y a peu de règles et procédures formalisées. » Les fonctions essentielles sont réservées au noyau du guanxi, qui s’en acquitte de façon très informelle. Ainsi à Taiwan, «la plupart des PME sont familiales. Les cadres dirigeants sont en général les propriétaires. Ils font prévaloir un style de management paternaliste ou autocratique, nomment des membres de leur famille à des postes importants comme les finances ou la comptabilité, et explicitent rarement la politique de l’entreprise de manière claire et précise aux subordonnés. La délégation d’autorité est limitée, la division des pouvoirs et des responsabilités est ambigüe. »
On observe, comme dans l’exemple de Guangli, une forte rétention des informations comptables et financières qui s’inscrit dans une vision familiale de l’entreprise. « En effet, les ventes, les coûts de production et la marge bénéficiaire sont traités comme des informations confidentielles et confinés au cercle des membres de la famille ».
La confusion du privé et du professionnel atteint souvent un degré qu’on qualifierait en Occident d’« abus de biens sociaux ». Mais ce terme n’a pas de sens en Chine où l’entreprise n’est pas conçue comme une entité juridique abstraite : c’est une extension de la famille. - Chloé Ascencio
Cette absence de transparence peut avoir des conséquences sur sa rentabilité : « Même l’outil de contrôle le plus courant, le budget, n’est pas toujours bien établi dans les organisations chinoises. […] Souvent, la comptabilité est incapable de fournir une structure de coûts pour chaque catégorie de produit. Cela signifie que les salariés de la production et du marketing travaillent « à l’aveuglette », sans savoir quels produits sont rentables ou non. »
Le résultat de ce manque de structure formelle est que le patron chinois passe l’essentiel de sa journée de travail à réagir aux problèmes qui surgissent au jour le jour au lieu de se focaliser sur des activités de supervision et d’anticipation comme concevoir et mettre en œuvre des plannings et stratégies de long terme. « 80% du temps est passé à éteindre des incendies ce qui épuise les gens physiquement et mentalement. Les conséquences négatives sont la perte de productivité et d’opportunités et la démoralisation des équipes.»
Bien sûr, les entreprises taiwanaises et chinoises qui travaillent à l’international, que ce soit à l’exportation ou en sous-traitance pour des marques occidentales se sont adaptées aux règles du business mondial, intérêt bien compris et rapport de force obligent... Les entreprises continentales ont, mais souvent en apparence seulement, intégré les normes occidentales de type ISO 9000, charte éthique, respect des cahiers des charges, contrats, délais… Avec plusieurs décennies d’expérience, les groupes taiwanais sont devenus pour la plupart très « professionnels » selon les standards occidentaux. Ils restent néanmoins souvent réticents à communiquer des informations aux marques occidentales dont ils sont les sous-traitants, réminiscence de cette culture du secret qui a marqué leurs origines. Ils se caractérisent aussi par leur fonctionnement très hiérarchique.