Demander publiquement de l’aide est risqué
Pour le manager chinois, demander publiquement de l’aide pour exercer les responsabilités que son statut lui réserve, écouter les avis et les préconisations des collaborateurs sur ses prérogatives est une démarche difficile à endosser. Surtout face à ceux de son équipe qui ne font pas partie de sa « clientèle », et ne sont donc pas dans une relation d’allégeance envers lui. Associer l’équipe à la préparation des choix des supérieurs serait aussi ouvrir la porte des coulisses où se préparent les décisions, devoir montrer ce qu’on sait et ce qu’on ne sait pas, les véritables marges de pouvoir dont on dispose, donc saborder délibérément certaines des ressources de son prestige.
"Demander l’avis des inférieurs peut éveiller des soupçons : les collaborateurs peuvent être consultés par un chef soucieux de ne pas porter seul la responsabilité d’une décision risquée." - Chloé Ascencio
Il arrive ainsi qu’un patron souhaite lier son équipe à son sort sur une décision stratégique. Cette consultation reste bien sûr de pure forme, comme le consensus obligé auquel sont conviés les participants :
« Parfois notre patron nous fait prendre une décision en groupe ou bien il nous fait sentir que c’est une décision de groupe quand lui-même n’est pas sûr du résultat et veut que nous en partagions la responsabilité au cas où cela échouerait. »[1] (Un employé d’un hôtel chinois)
Tous ces risques pour la face du chef sont bien entendu perçus par les collaborateurs chinois, et leur donnent un sentiment de malaise. A la résistance des managers s’ajouterait ainsi beaucoup d’autocensure des subordonnés vis-à-vis d’une pratique remettant en cause leur vision hiérarchique, et même la politesse élémentaire consistant à ne pas empiéter sur le territoire d’autrui.
Et puis le risque est trop grand, en donnant son avis, de heurter son chef ou un collègue et s’en faire un ennemi. De contredire par avance la décision qui sera finalement prise. Ou simplement de « dire une bêtise » et de perdre la face. Dans ces conditions, le manager occidental aura beaucoup de mal à obtenir autre chose que des éléments factuels ne permettant pas de dégager une opinion et évitant soigneusement toutes remarques critiques, a fortiori un vrai débat.
[1] Kong Siew-Huat, « Paternalism Revisited : organizational leadership in mainland China », International Journal of Chinese Culture and Management, 2009