Prendre une longueur d'avance
"On a été rachetés par les Chinois!"
Entendre parler d'un grand Changement qui va survenir sans en voir les effets concrets pour soi est source d'anxiété et nourrit des fantasmes.
J'accompagne plusieurs PME qui viennent d'être rachetée par des groupes chinois, souvent gigantesques. Que l'actionnaire chinois soit accueilli comme un sauveur ou avec circonspection, les questions abondent : Qu'est-ce qui va changer? Qu'est ce que cela implique concrètement d'appartenir à un groupe chinois? Compte tenu des différences culturelles importantes, comment allons-nous coopérer?
Avec une plus grande taille et de nouvelles ambitions, il faudra travailler autrement sinon plus intensément, tenir compte d’un plus grand nombre d'interlocuteurs qui ne parlent pas ma langue, respecter plus d’engagements dans une plus grande complexité.
En outre, les groupes chinois acquéreurs donnent rarement de la visibilité sur leur vision et leurs attentes précises à l'égard des entreprises rachetées. Il leur faut souvent un an ou deux pour observer les relations et le fonctionnement de l'organisation acquise. Ce qu'attendent de voir les Chinois, c'est s'ils pourront créer des relations de confiance avec ces étrangers. Ils sont attentifs à tous les signes relationnels, dès les premiers instants de la négociation. Ce silence, ce "non-agir" chinois nourrit bien évidemment un sentiment d'expectative frustrant du côté français.
Pour le comité de direction de l'entreprise rachetée, il s'agit avant tout de rassurer les équipes et de leur permettre de se préparer à coopérer en confiance avec le groupe chinois. Cette démarche va permettre de créer de l'envie et de l'énergie auprès de tous les salariés de l'entreprise.
Mon accompagnement commence par un travail avec le comité de direction autour des représentations négatives qui circulent dans l'équipe et dans l'entreprise, mais aussi des risques réels : une détérioration de l'image de la société (la qualité des produits, la fiabilité du services seront-t-elles maintenues?), une dégradation du climat social (les Chinois ne sont pas réputés pour leur respect des droits du travail), et conséquemment une démotivation des équipes entraînant un turn over élevé et donc la perte du savoir-faire ...
Faire exprimer ces ressentis et dénouer les malentendus possibles est donc essentiel. Je les challenge avec des éléments concrets, des clés qui permettent de décoder ce qui se joue dans les premières interactions et sont opérationnelles tout de suite.
Le questionnement autour des origines, des débuts du partenariat est important. Dans une approche systémique, tout est au commencement. Cela permet de mettre en lumière des enjeux cachés et de regarder ce qui se passe dans la relation avec les Chinois pour agir autrement.
Ensuite, le comité de direction va pouvoir se projeter dans l'avenir et construire sa feuille de route en tenant compte des changements et de ce qu'ils impliquent mais aussi en s'appuyant sur les forces de l'entreprise, ses valeurs et compétences qui lui ont permis de réussir jusque là. Les dirigeants vont pouvoir visualiser les comportements à adopter, les stratégies relationnelles à élaborer, avec quelle posture. Et bien sûr les actions à entreprendre.
Ensuite, il s'agira d'embarquer toute l'organisation en facilitant l'expression des salariés: ils vont discuter de leurs appréhensions, partager leurs points de vue et enrichir la feuille de route de façon à y trouver leur place.
Cette démarche consiste à "Prendre une longueur d'avance". Chacun redevient acteur d'une situation dont il se sentait "objet" voire victime car "être racheté" se dit à la forme passive. Cet accompagnement offre l'opportunité aux salariés de l'entreprise rachetée d'explorer et de découvrir des marges de manoeuvre nouvelles, tout en prenant soin des relations entre les personnes à un moment où la confiance en interne est souvent fragilisée. Or la capacité à construire une confiance forte (in & out) avec les actionnaires chinois est la condition d'une coopération win-win ou plutôt shuang ying 双赢.